Stéphanie DUROI, avocate au barreau de Quimper - droit de la famille, litiges entre particuliers, droit pénal. Investi à vos côtés

ENTRETIEN – Violences conjugales dans le Finistère : « Aider les femmes dès les premiers coups »

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Stéphanie Duroi, avocate au barreau de Quimper (Finistère) depuis vingt-cinq ans, est de plus en plus sollicitée dans des affaires de violences conjugales. Elle conseille les femmes et fait le point sur ce qui pourrait être amélioré dans la prise en charge des victimes. Stéphanie Duroi : « Les femmes savent que des procédures existent et qu’elles ne doivent plus se taire. »

Stéphanie DUROI : « Les femmes savent que des procédures existent et qu’elles ne doivent plus se taire » – OUEST FRANCE

Stéphanie Duroi, avocate à Quimper (Finistère), constate une augmentation des affaires de violences faites aux femmes. La raison : la libération de la parole après la vague Metoo. Elle donne des conseils aux victimes et évoque ce qui pourrait être amélioré.

En tant qu’avocate, constatez-vous une augmentation des affaires de violences faites aux femmes ?

Oui, il y a plus d’affaires qui arrivent au tribunal dans le domaine des violences faites aux femmes ou aux enfants. Cela veut dire que la parole s’est libérée. Il faut aider les victimes, qui sont majoritairement des femmes, dès les premiers coups. Elles savent que des procédures existent et qu’elles ne doivent plus se taire. Les associations y sont aussi pour quelque chose. C’est moins stigmatisant qu’avant d’aller porter plainte.

Dans ce genre d’affaire, à quoi sert un avocat ?

Quand il y a violence, les premiers interlocuteurs sont souvent les médecins et notamment les services d’urgence. Ensuite, vient l’étape cruciale du dépôt de plainte. Il est important d’être soutenue par un avocat au plus tôt. Cela permet de porter la parole de la victime. Quand une personne est sous emprise, elle n’a pas toujours la force ou la faculté d’exposer ce qu’elle a subi. Être assisté évite de se laisser déborder par les émotions. Et pour faire valoir ses droits, il faut bien connaître la législation. Un avocat est là pour exposer les faits et demander des indemnités selon le préjudice subi. Quand, par exemple, il n’y a pas de violence physique, les victimes ont tendance à minimiser les faits. Or, le délit de harcèlement moral existe depuis 2010.

Justement, ce délit étant plus récent, les affaires de harcèlement moral aboutissent-elles ?

De plus en plus. Je constate que les médecins font des certificats avec des ITT (incapacité totale de travail) en cas de détresse morale. Et c’est un élément qui pèse surtout quand il n’y a pas de trace visible d’une violence. Dans certains dossiers, les témoignages des proches ou des amis sont également essentiels. Le harcèlement, ce n’est pas seulement des SMS reçus, c’est tout ce qui peut dégrader les conditions de vie d’une personne. Et notamment des personnes qui, dans leur quotidien, sont constamment critiquées ou rabaissées.

D’après vous, que faut-il changer en priorité pour améliorer la prise en charge des victimes ?

L’accueil au moment du dépôt de plainte. Des efforts ont été faits mais il y a encore des victimes à qui on demande d’aller dans une autre gendarmerie ou un autre commissariat car on ne peut pas prendre leur plainte tout de suite. Si on ne les écoute pas au moment où elles poussent la porte, il y a une chance sur deux pour qu’elles ne reviennent jamais. Il faut que les victimes soient prises en charge par un professionnel formé. D’abord, parce que cette étape, essentielle et unique, ne s’improvise pas : il faut réassurer, prendre du temps, recueillir tous les éléments et orienter vers d’autres partenaires, si besoin. Il y a eu des progrès depuis dix ans : je n’entends plus, dans les commissariats, que le viol entre époux n’existe pas. Mais il reste tant à faire.

Est-il nécessaire de mettre en place de nouveaux dispositifs législatifs ?

Non, pour moi, on a assez de lois comme ça. Le problème, c’est que la justice n’a pas les moyens financiers d’appliquer ce qui existe déjà. Prenez le bracelet électronique ou le téléphone grand danger. Il n’y en a pas assez. Et les ordonnances de protection sont très peu utilisées. Bref, le budget ne suit pas. Les lois, ce sont des cache-misère pour faire oublier que l’on n’a pas l’argent pour appliquer les dispositifs existants. Au Canada, par exemple, des groupes de parole sont créés pour accompagner les auteurs de violences afin d’éviter les récidives. Ils n’agissent pas seulement sur les symptômes, mais aussi sur la cause en soignant et en éduquant les auteurs de violences. En France, on en est encore loin.

Source : Ouest france

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